mardi 9 octobre 2007

Nuit du Jeudi 20 au vendredi 21 septembre - Déconseillé aux âmes sensibles

Gros spectacle son et lumière pour notre arrivée à Gibraltar. Dans la nuit noire, des dizaines de cargos, de méthaniers, de pétroliers attendent Dieu sait quoi dans le détroit. Tout illuminés, on dirait de gros gâteaux d’anniversaire plantés d’innombrables bougies. On réveille les enfants pour qu’ils découvrent ce décor incroyable surplombé de l’énorme rocher. Le temps qu’ils se rendorment, et c’est le crash. La pluie fine se durcit. Des éclairs zèbrent le ciel. En quelques minutes, le vent qui s’engouffre dans le détroit s’accélère en un gigantesque courant d’air. Les rafales sont de plus en plus fortes. L’éolienne tourne comme une folle en hurlant. Le rocher est prisonnier des nuages. On croirait l’Ecosse.


Le voilier est couché par de méchantes rafales que l’on distingue nettement arriver car la mer est toute blanche sur leur passage. En fait d’être abrité par le Rocher, on a plutôt l’impression que ce traître provoque un effet venturi et renforce les rafales sous l’orage. Les embruns nous giflent le visage, mais peut-être est-ce un orage de grêle. La mer blanche... Le bateau encore couché sur l’eau. Le port est tout proche. Mais où ? Tout est allé si vite que nous n’avons même pas eu le temps d’étudier la carte en détail. Encore faudrait-il pouvoir descendre à l’intérieur du bateau pour la lire. Ces pétroliers, qui nous menacent, sont notre salut : Fréd a l’idée de se mettre à l’abri derrière l’un d’eux. L’équipière en chef qui ne voit rien à travers ses lunettes, et qui est morte de trouille, reçoit l’ordre d’avancer le plus près de l’énorme bête d’acier puis de reculer, histoire de gagner la minute d’or qui permettrait de lire la carte. Mais damned : en reculant, le moteur s’étrangle. Dans la tempête, un bout s’est détaché. Il est tombé à l’eau et s’est pris dans l’hélice. Plus de moteur ? Du haut du pétrolier, on dirait que l’équipage nous appelle. On attend des rumeurs venant du pont. Nous ne saurons jamais s’il s’adressait à nous, et ce qu’il nous disait. Plus de moteur ? Il nous faut prendre le large au plus vite à l’aide de la grand voile qui est toujours hissée. Et puis, c’est le miracle : le moteur redémarre. L’hélice, nous le découvrirons plus tard, est bien étranglée par le bout. Mais le bateau avance. La carte est lue. On peut passer la digue et jeter les amarres sur le premier ponton venu. Il est 4 heures du matin. Nous descendons sur le quai, hagards. Le gardien est furax : nous n’avions pas le droit de nous mettre là. Comme disait Brel, il y a les gens qui sont en mer. Et puis, il y a les autres…

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