mardi 8 juillet 2008

24-26 juin : Gibraltar, notre bête noire


Départ trop tard

Nous partons de Lagos un jour trop tard. Le vent est déjà fort dans le détroit de Gibraltar, et en plus, et surtout, nous l’aurons dans le nez lorsque nous approcherons ce lieu maudit. En septembre dernier, alors que nous passions le détroit dans l’autre sens, une tornade nous est tombée dessus, nous laissant en cadeau le pire scénario épouvante de cette année de voyage.
La première nuit est une mise en bouche : alors que nous longeons la côte portugaise, nous nous prenons dans les mailles d’un chalut. L’hélice, heureusement n’est pas touchée, mais le filet est pris dans la quille. Nous manœuvrons tant bien que mal pour nous en sortir, aidés du patron-pêcheur qui nous dicte la marche à suivre par VHF, mais… en portugais. On comprend 1 mot sur 3, assez pour piger qu’il faut couper. Alors on sort le gros couteau et on cisaille. Gentiment, les pêcheurs passeront ensuite un long moment à nous guider pour nous sortir définitivement de cette nasse. Ça fait bizarre : cette nuit-là, on s’est vraiment senti comme un poisson pris au piège.

Mer forte à très forte
Les choses délicates commencent le lendemain après-midi. Le vent se lève, dans le nez, comme prévu. Fort, de plus en plus. Nous passons le golfe de Cadix, et visons Trafalgar.
La mer se creuse. Il faut tirer des bords serrés. Très. Le bateau est à la gîte. Les vagues sont de plus en plus hautes. De l’intérieur du carré, je vois Fred, à la barre, monter et descendre comme un yoyo, disparaître, réapparaître, disparaître, complètement aspergé. A l’intérieur, je suis assignée aux serpillières et tente tant bien que mal de faire cuire quelques pâtes ( fini le temps où les enfants ne mangeaient rien lors des navigations dures ! ). Pour la première fois, nous sortons les cales pour maintenir la cocotte sur le réchaud, et nous nous équipons d’un double harnais même à l’intérieur du cockpit. Il est évident que nous ne pourrons pas rallier Gibraltar où le temps doit être encore pire qu’ici (plus le détroit devient étroit, plus le vent forcit). Décision a été prise de s’arrêter dans le petit port de Barbate, à quelques milles de Trafalgar.
C’est dur et long. C’est même interminable. A 21 heures, nous ne sommes plus qu’à 2 heures de Barbate (sic). Mais la mer est maintenant très forte, le vent souffle à 40 nœuds (un bon force 8) et tout indique que nous ne pourrons pas négocier une entrée de nuit, et par ce temps, dans ce petit port.
Finalement, le capitaine, qui rumine sa décision depuis plusieurs heures en secret, le bougre, lâche le morceau :
« On abandonne. On repart. »
« -Où ? A Lagos ? Aux Açores ? Aux Antilles ? »
« A Cadix. »
Demi tour. Le bateau se stabilise comme par miracle, poussé à toute barzingue, vent dans le dos. Il n’y a bientôt plus un souffle d’air. Il faut même démarrer le moteur ! Je quitte mon quart à 4 heures. A 9 heures, je m’éveille. Il y a un silence étrange, un calme divin. Je pointe un nez dehors. Il y a des bateaux à droite, à gauche, devant. Le ciel est d’un bleu immaculé. Le bateau est à quai.
Nous sommes à Cadix. Et c’est forcément bien.

Aucun commentaire: