samedi 10 mai 2008

République dominicaine : l’éclat total


RD, épisode 1 : que d’Amerlocs !
Arrivée sous une pluie battante à Luperon, un mouillage planqué dans une mangrove belle et calme. Nous sommes tout estourbis par cette eau qui se déchaîne sur le pont : ça fait des semaines qu’on n’a pas vu une goutte tombée du ciel. Le lendemain, quand le calme revient, il faut se rendre à l’évidence : nous sommes littéralement entourés de voiliers américains et canadiens. Pour eux, c’est l’escale clef avant la plongée vers l’est en direction des Antilles. Or, les Nord-américains ont tous un peu en eux quelque chose de Big Brother : les enfants, qui ont appris à se baigner partout, dans les eaux les plus transparentes comme les plus opaques (sic), déclenchent la stupeur chez nos voisins hygiénistes. Dans la seconde qui suit leur premier plongée, on vient nous voir en annexe, on reçoit des appels par VHF : surtout ne pas se baigner là, my God, it’s so dirty. Ah bon ?
La cohabitation avec les Américains va être l’un des faits marquants de notre passage en RD : nous sommes un peu agacés par leur manie de toujours regarder ce que fait le voisin, mais nous allons aussi vite apprécier le bon côté de cet esprit de clocher : il y a toujours un Américain prêt à bondir pour prêter main forte, que ce soit pour aider à trimbaler les courses ou… à extirper Yallingup de la vase. Et puis que c’est drôle de voir le pays le plus puissant de la planète empêché de se rendre à Cuba ! Chaque fois que nous évoquons avec les Américains notre prochaine virée au pays de Castro, ils ouvrent des yeux perplexes et rêveurs : impossible pour eux de rallier cette île qui est pourtant la grande banlieue de la Floride. Quand les enfants écoutent un équipage nous supplier (en rigolant) de les cacher dans les cales, nous économisons de longues heures de cours de géopolitique, et c’est toujours ça de gagner.

Mouillage hyper-tranquille à Luperon

Quand on n'a pas de drapeau, on le fabrique...

RD, épisode 2 : un pays si doux
La ville de Luperon ne figure sur aucun guide touristique. Quelle hérésie ! Dans cette petite ville de bord de mer, c’est toute la République dominicaine qui nous va droit au cœur. Des airs de salsa fusent d’un peu partout, des petits enfants errent à moitié nus dans la rue, les hommes jouent au dominos tandis que les femmes assises sur le trottoir picorent une assiette de riz. Ambiance tranquille et festive à peine troublée par le déchaînement des motos où l’on monte à deux, à trois et parfois même à quatre, bien entendu sans casque. A Luperon, même les Américains disparaissent ou alors, très discrets, au bras de quelques belles dominicaines, dans les bars ou les boutiques de téléphones portables où le cadeau fait mouche et permet d’aller droit au but. Nous adorons cet endroit de poules, de vendeurs d’ananas et de maisons grandes ouvertes sur la rue. Et puis, ici encore, nous faisons l’expérience de relations humaines qui valent toutes les thérapies de nos contrées prétendument développées : ici tout le monde se salue et se sourit. La vie est dure, et même très dure, c’est une évidence, mais personne ne semble se plaindre, car se plaindre est un luxe. Sourire revient moins cher. Très vite, nous prenons nos habitudes à Luperon. Grâce au conseil avisé de Jean-Claude de Drizard, nous faisons connaissance avec Francis, un belge marié avec Carmen, une dominicaine et qui a ouvert un petit resto tranquille à la sortie de la ville. Nous prenons aussi nos quartiers chez Steve, un américain, marié lui aussi avec une dominicaine, et qui a tout compris en offrant ces services Internet, restauration, lessive, cours d’espagnol, taxi, piscine, baby foot, et sans doute beaucoup plus encore. Jacqueline marquera aussi notre passage : cette mère de famille aux abois propose un jour de coiffer Tiphaine. Pour rejoindre sa maison, nous traversons le bidonvillage où les femmes se lavent entre quatre murs d’agglos au milieu des cochons et des chiens errants. La maison de Jacqueline est une pièce unique assez éloigné du concept des salons Dessanges. Mais Tiphaine ressort de chez Jacqueline avec les tresses africaines dont elle rêvait, les larmes aux yeux. Le cadeau de ses 9 ans.

Marché à Imbert

On comprend pourquoi Jean-Claude aime la RD

Moi aussi j'aimerais qu'on me cire mes sandales

Une coupe au bol pour Pablo...

...et des tresses africaines pour Tiphaine

Bon anniversaire Tiphaine


RD, épisode 3 : en rang par deux
Avouons que la République dominicaine ne nous faisait pas plus rêver que ça avant notre arrivée. Pour nous, c’était un pays offert en pâture au tourisme de masse. Une sorte de grosse terre bordée de sable blanc bon marché. Et à ce titre, nous pensions qu’elle ne serait rien d’autre qu’une escale assez insignifiante sur le chemin vers Cuba. Le coup de cœur pour Luperon nous ravise. La vie est si douce ici et aussi si peu chère (on mange à 5 pour 5 euros) que tout nous pousse de l’avant. Cette énergie débordante nous conduit droit à l’école où nous faisons le forcing pour que la direction permette aux enfants de suivre une demi-journée de cours. Les intéressés sont moyennement ravis sur le coup, d’autant que là, comme partout ailleurs dans toutes nos escales de Gibraltar au Cap Vert, de Madère en Martinique, l’uniforme s’impose. Bon, le directeur se montre tolérant, mais ne démord pas sur le registre des chaussures : pas question de sandales. Il faut des souliers fermés. Mais vu l’offre proposée dans les boutiques du coin, et à moins d’imposer aux enfants leurs chaussures de montagne, on opte pour les chaussettes sous les sandales. Et ça passe… A 7 heures 45, Pablo est devant l’école en train de remonter ses chaussettes qui tombent et Corentin s’aperçoit qu’il a un pied blanc et un pied beige, mais le rituel matinal fait diversion : tous les élèves se mettent en rang pour le lever du drapeau, puis vient le tour de l’hymne national entonné dans un recueillement impeccable. Les trois enfants ont à peine le temps de se remettre de cette entrée en fanfare qu’ils ont ensuite dispatchés dans les trois classes correspondants à leur niveau. J’accompagne Corentin dans la classe des 4 ans. L’ambiance dénote avec la discipline du début de journée : la maitresse est seule au milieu d’une classe de loustics adorables, mais absolument pas cadrés. Les papiers volent en tous sens, les chaises sont poussées et tirées d’un bout à l’autre de la pièce, la pâte à modeler sert de projectile tout terrain. Cent fois dans la matinée, la maitresse remet les petits à leur place, sortant l’un après l’autre les maigres jeux dont elles disposent. En fait, la maternelle n’est autre qu’une garderie qui élève nos maternelles françaises au rang de prépa HEC. Les trois enfants sont ravis de leur matinée. Un goûter, avec petit gâteau et brick de lait, leur a été offert à 10 heures comme à tous les autres, la récré a duré pas loin de 50 minutes et les petits Dominicains, semblables à leurs parents, sont d’une douceur inimaginable. Pablo, Tiphaine et Corentin rêvent déjà de devenir élèves dans ce pays où l’on ne fait école qu’une moitié de journée et où les devoirs du soir sont une notion totalement inconnues au bataillon. Malheureusement pour eux, il faut se remettre au Cned et terminer l’avant-dernière évaluation (!!!!) pour la poster avant de partir pour Cuba. Et là, quel sketch ! En théorie, la Poste de Luperon ouvre à 8 heures et ferme à midi. Mais il est préférable de venir largement après 8 heures et largement avant midi pour ne pas trouver porte close. Quatre tentatives, quatre échecs. Finalement, nous abandonnons nos précieuses enveloppes aux mains de Francis qui, lui, vise sans doute mieux que nous…

Départ pour l'école

Pas d'uniforme mais le coeur y est

Lever du drapeau

Hymne national version fille...

... et version garçon

Atelier tissage pour Corentin

Un festival de couettes...

...de tresses et de pompons

Tiphaine avec sa nouvelle classe

Pablo et ses nouveaux copains

Corentin et sa nouvelle maîtresse

RD, épisode 4 : que du plaisir
Le séjour à Luperon se poursuit tambour battant. On s’offre tous les cinq de vraies vacances : canyoning, équitation et balade à la clé… Il paraît que Colomb, qui s’y connaissait en paradis sur terre, considérait cette île comme la plus belle des Caraïbes. On est à fond d’accord : avec ses cascades, ses parterres de fleurs, ses manguiers, ses bananiers majestueux, la République dominicaine nous rappelle la Dominique, cette petite soeur que nous avions tellement aimée. Et puis, encore une fois, tout est si simple ici, et les gens si bienvaillants. Personne ne s’enquiquine avec des normes inutiles. A 5 ans, Corentin monte à cheval tout seul sous le regard très professionnel de Mario, et quelques jours plus tard, il entame la remontée des cascades sur le dos de notre guide qui maitrise trop bien son sujet pour priver le petiot d’une expérience pareille. Et, pourtant, franchement, on l’avoue, c’était carrément chaud…

Ils n'ont pas besoin de selle, eux

Lonesome cow-boy

Bon Corentin, tu te mets en ligne ou quoi...

Heureux

Heureuse

Merci Mario

Canyoning aux chutes de Damajagua


RD, épisode 5 : Cacao mode d’emploi
Le meilleur pour la fin : alors que nous cherchons à visiter des plantations (de n’importe quoi, on adore), on tombe sur deux gars qui font le taxi comme des centaines d’autres en moto. Le client n’arrivant pas, ils proposent de nous conduire à une plantation de cacaoyer, puis de là nous amènent à l’usine de cacao. Avec le plus grand naturel nous pénétrons dans cette fabrique où les travailleurs haïtiens brassent, sèchent et charrient toute la journée des milliers de kilos de fèves de cabosse pour l’exportation. Le spectacle est déjà très fort.Mais voilà que le technicien en chef, Dimitrio, nous invite spontanément dans son bureau. Il sort de son placard un petit four d’étudiant dans lequel il se met à faire cuire une grosse platrée de fèves. Vingt minutes de torréfaction après quoi tout le monde s’emploie à décortiquer les fèves une à une. Nos deux motards relèvent les manches : ils sont bien là et rien ne presse en République dominicaine… A chaque étape, nous pensons que c’est fini, qu’il nous faut repartir chez nous. Mais pas du tout : Dimitrio sort maintenant de son placard un robot ménager dans lequel il verse les fèves et les broie. Au final : une belle pâte de cacao très amère, versée dans un gobelet et offert aux enfants. Nous ressortons de là, émerveillés par cette leçon magistrale de sciences complètement improvisée, complètement désintéressée et généreuse. Il ne reste plus qu’à doser le sucre et le lait pour faire du chococat (et là, c’est une autre histoire). Dimitrio, c’est promis, on t’enverra des dragées.
La République dominicaine, c’est aussi pour nous, une sacrée leçon de sciences écomico-politique avec ses colonnes d’Haïtiens à la peau noire et aux pieds nus parcourant des kilomètres à pied le long des routes pour rejoindre leur case en fin de journée. Ici et là, nous avons croisé Charles Edouard, Pierre-Paul, Louis… baragouinant un Français de quelques mots. Leur salaire de misère (moins d’un euro la journée de 10 heures) est envoyé de l’autre côté de la frontière qui partage l’île d’Hispanolia en deux. Même les pauvres ont aussi leurs travailleurs immigrés.

Cabosses

Récolte

Malaxage et fermentation des fèves de cacao

Séchage

Mise en sac

Stockage

Torrefaction des fèves rien que pour nous

Dimitrio, un prof enthousiaste

Décorticage

Mixage

Hum, la bonne pâte de cacao !

Merci à nos supers moto conchos !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

pourquoi pas:)