Nous profitons peu de cet havre tranquille, trop occupés que nous sommes à préparer notre départ pour la transat. Mais nous n’oublierons jamais Tarrafal comme nous n’oublierons jamais ses rouleaux de folie qui nous retiennent sur ses rivages. Car le tout n’est pas de débarquer, il faut ensuite remonter dans l’annexe et regagner le bateau. Depuis Madère, nous avons appris à patienter : compter les vagues, attendre l’accalmie puis monter à toute vitesse dans le pneumatique et ramer comme des fous pour éviter le nouveau cycle de rouleaux. Malheureusement, nous ne sommes pas aussi forts que les pêcheurs capverdiens et la première tentative est désastreuse : alors que nous sommes tous les cinq dans l’annexe, une sorte de tsunami se dresse soudain face à nous, retournant l’embarcation, l’équipage et les rames comme une crêpe pathétique. Les enfants sont traumatisés. Les parents n’en mènent pas large même si nos copains de Morgane avait subi le même sort sous nos yeux à Porto Santo. Fidèles à eux-mêmes, des Capverdiens viendront toujours à nos cotés les fois d’après, scrutant la mer et nous poussant au bon moment pour éviter la cata, mais le mal est fait. Le dernier jour, Pablo tourne le dos à la plage et regarde vers le large. « Je ne veux plus descendre. Je veux aller par-là, au moins on risque pas de chavirer. » L’océan si paisible nous tend les bras.
Alors on y va.
On est le 18 décembre. 22 heures 30. Des Français sont à nos côtés au mouillage. Ils nous font une petite ovation dans la nuit et nous crient « bonne chance ». Ancre relevée, voile hissée. C’est parti pour deux semaines de navigation, peut-être moins, ou peut-être beaucoup plus…
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